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Fédération des Employés & Cadres

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Histoire des Employés et de leur Fédération, la FEC

En quelques dates majeures, de 1848 à 2016, les luttes des employés syndicalement organisés avec leur Fédération, la Fédération Nationale des Employés de 1893 devenue Fédération des Employés et Cadres en 1946.

Autant de moments d’espoir, de doutes et de victoires pour la fraternité dans le progrès social des hommes autant que des femmes et l’émancipation humaine.


1848 – 1892
Les prémices de la Fédération des Employés
et première grève contre le travail du dimanche

1848 : La Tribune des Employés, premier journal du groupe social des Employés

La Tribune des Employés, dont le n°1 paraît le lundi 3 avril 1848 (l’adresse étant le 60, rue des Martyrs), commence par ce titre : « L’Union fait la force ». Elle poursuit par une approche qui a valeur historique, car c’est la première fois que les Employés prennent la parole, au plan social, et tentent de se définir, en tant que groupe et par la revendication « l’Employé a le droit de revendiquer sa part dans les améliorations possibles. Malheureusement, il faut le dire, cette classe, si nombreuse et si digne d’intérêt, est restée longtemps en butte à d’injustes préventions. Disséminée, méconnue jusqu’ici, elle a compris enfin que, lorsque des voix éloquentes s’élèvent en faveur de l’artisan, le moment est venu pour elle de se compter, de s’organiser, de plaider sa cause, et d’exposer, elle aussi, ses mécomptes dans le passé, sa confiance et son espoir dans l’avenir. »

28 janvier 1869 : Première Chambre Syndicale

La première Chambre Syndicale est fondée. Son siège social est au 30, rue Thévenot à Paris. Elle est présidée par Prosper Douvet, lequel franc-maçon fera partie de la délégation maçonnique rencontrant Thiers le 22 avril 1871. Engagé dans les combats de la Commune, il gagnera Londres, sera condamné le 2 juin 1874, pour « insurrection », et amnistié en 1879). Il y a rapidement 6 000 adhérents. Cette fondation trouve son historique première réunion le jeudi 28 janvier 1869. La résolution suivante est adoptée à l’unanimité : « Attendu que les patrons exigent des employés de commerce, un travail excessif sans analogue dans aucune profession […] déclarent qu’il y a lieu de pourvoir sans retard à une réorganisation forte et libérale, ne reposant que sur l’énergie des employés qui veulent mettre un terme à leurs souffrances ».

23 mai 1869 : Première grève pour ne pas travailler le dimanche

Le 17 mai est décidée une grève pour obtenir le repos du dimanche, le 23 mai 1869. Cette Chambre Syndicale des Employés de Commerce (qui avait son siège au 44, rue des Jeûneurs) avait préparé une affiche :
« AVIS AU PUBLIC
Les membres de la chambre syndicale des Employés de commerce ont l’honneur de prévenir le public que les négociants en tissus de Paris, à l’exception de quelques dissidents, ont consenti à la fermeture des magasins le dimanche. Les magasins seront donc fermés le dimanche à partir du dimanche 23 mai. Les employés de commerce font appel à la bienveillance du public pour les aider à rendre cette mesure générale ».
Nombre de patrons passent outre. Ils doivent fermer dès l’après-midi, faute d’un personnel employé qui a suivi le mot d’ordre de la Chambre Syndicale. Ainsi, la première victoire des employés en tant que groupe social syndicalement organisé concerne le travail du dimanche.

1885 : Chambre Syndicale avec Gély et Dalle

La Chambre Syndicale des Employés est définitivement fondée en mai 1885. C’est un pas décisif, d’autant que les deux figures centrales sont Victor Dalle et André dit Gély (Emmanuel), futurs dirigeants de la Fédération Nationale des Employés, l’un représentant l’Union fraternelle et l’autre la Chambre Syndicale. Cette Chambre Syndicale des Employés est suffisamment reconnue pour être appelée à répondre à un « questionnaire de statistique », envoyé à l’ensemble des Chambres syndicales, à l’initiative de la Bourse du Travail, inaugurée le 3 février 1887. Il est clairement répondu que sa date de fondation est mai 1885, que le nombre d’adhérents est de 2 225 et qu’à propos de la loi de 1884 : « nous repoussons cette loi sur les Syndicats et nous ne nous y sommes jamais conformés. » Le vendredi 28 mai 1886, au 35 rue Jean-Jacques Rousseau, salle de la Redoute, se déroule, tant avec Dalle que Gély, une réunion de ce « syndicat des employés », de cette chambre syndicale (la terminologie fluctue encore), pour sa première année. (Prolétariat du 29 mai 1886). Ce qui importe, c’est la présence conjointe de Gély et Dalle et l’ordre du jour : « de la situation matérielle et morale des employés, des moyens pratiques de l’améliorer ».

1887 : Le « Programme » de la Chambre syndicale des Employés

Lors de son Assemblée générale du 6 avril 1887, la Chambre Syndicale des Employés adopte un programme qu’elle veut commun aux travailleurs manuels : « Seuls, parmi les salariés, les Employés sont exclus des tribunaux de Prud’hommes existants : nous demandons l’extension de cette juridiction à tous les différends entre patrons et salariés, quel que soit leur métier. Et, pour la solution des litiges de tout ordre, nous demandons l’introduction en matière judiciaire, du principe de l’arbitrage et des jurys élus par le suffrage universel ; la limitation légale de la journée de travail à 8 heures pour les adultes-hommes ; dans les bureaux, magasins, ateliers et manufactures, et sans diminution de salaire ; la réglementation effective du travail des femmes et des enfants ; l’extension du privilège à l’intégralité des salaires des employés et ouvriers en matière de faillite, l’établissement d’une loi pour obliger les patrons à fixer les conditions de travail et de salaire par un contrat passé entre eux les leurs employés, la dite loi déterminant le délai dans lequel le contrat pourrait être dénoncé et fixant les indemnités à payer au cas où il serait rompu avant ce délai.
 


1893 – 1918
Fondation de la fédération des Employés
et première victoire avec la loi sur le repos dominical

1893 : La fondation et les débuts de la Fédération Nationale des Employés

Lors du Congrès fondateur du 15 juillet 1893, l’article 1er des statuts énonce : « Entre tous les groupes d’employés légalement constitués (associations amicales, philanthropiques, chambres syndicales ou syndicats) […] est formée une […] Fédération Nationale des Employés ». L’article 4 des statuts affirme : « La Fédération a pour but : 2°unifier le travail d’émancipation en rendant compatibles les uns aux autres les intérêts de catégories différentes ; 3°D’étudier les questions professionnelles, économiques et sociales qui lui seront soumises, de rechercher les moyens pratiques propres à les résoudre, et en provoquer la solution par les moyens légaux, mettant en première ligne […] obtention de la juridiction des Prud’hommes, repos hebdomadaire ; diminution de la journée de travail ; protection légale du travail dans les bureaux et magasins… ». L’article 28 est une mise au point, contre le corporatisme et certaines formes de mutuellisme : « Sont exclus (non admis à la Fédération) les groupes qui, par leurs dispositions statutaires, sont susceptibles d’accepter comme membres actifs des employeurs, et ceux qui, par refus de solidarité, pourraient nuire à l’exécution du programme que s’est donné la Fédération. » Dans Le Prolétaire du 22 juillet est joint un document qui est le manifeste fondateur de la Fédération Nationale des Employés : « […] Dès maintenant, la Fédération Nationale des Employés, définitivement constituée, est déjà une force, non seulement parce qu’elle compte des groupements des plus grandes villes de province, mais aussi parce qu’elle englobe déjà à Paris six associations, dont l’une, la Chambre Syndicale des Employés, compte plus de 6 000 adhérents. Les autres sont : le Syndicat du gaz, les Employés aux écritures, le Cercle central des employés, l’Alliance syndicale des auxiliaires de commerce et les Garçons de magasin. » Il s’agit, pour le groupe organisé des employés, de « conquérir au soleil social la place qui lui est due ». Le 29 juillet, dans sa séance constitutive, le Conseil national (censé comporter 31 membres) désigne Gély comme Secrétaire général. Gély, prématurément disparu, Dalle sera le Secrétaire général et la principale figure de la Fédération Nationale des Employés (FNE).

1895 : Avec la CGT

Lors du Congrès fondateur de la CGT de Limoges, on trouve parmi les organisations ouvrières, la « Fédération des Employés ». Sont représentées 28 Fédérations, 18 Bourses et 126 Chambres syndicales. Pour la FNE, fait partie des délégués « Dalle, rue J. Bon, 12, Paris ». Il est l’un des 75 délégués. La première intervention de Dalle est pour fixer à 15 le nombre de la Commission de la première question à l’ordre du jour. Cette question est la plus importante, pour la CGT naissante, à savoir le « plan général d’organisation corporative », ce qui est accepté et Dalle est membre de cette commission.

1897 : le Congrès de 1897

Il a pour but « de reprendre, d'élargir, d'asseoir sur des bases solides et définitives cette Fédération d'Employés organisée en 1893 […] du Congrès de 1897 sortira cette Fédération puissante seule capable d'assurer la réalisation de vos rêves de justice et d'égalité. Vive l'Union des Employés ». Arthur Rozier succède à Victor Dalle.

1er juillet 1900 : Avec Jaurès

Le 1er juillet 1900 a lieu la Fête des Employés, en présence tant de Jean Jaurès et Léon Martinet que de Sarah Bernhardt et du poète Maurice Bouchor venu réciter le poème « Le Pain », tandis que Jehan Rictus, évoquait la noire misère des gueux, avec ses « Soliloques du pauvre ». C’est dire, à tout le moins, la représentativité reconnue de la FNE. (APP Ba 152 - dossier Chambre syndicale des Employés de la Région Parisienne). Lors de la Fête organisée dans la grande salle des Fêtes du Trocadéro, ce 1er juillet 1900, pour la Caisse de chômage, en présence de Jaurès et Marie Bonnevial, il y a près de
2 500 personnes. Jaurès assure que c’est pour lui un « paradoxe » que des travailleurs doivent lutter pour obtenir un jour de repos par semaine, mais que le mouvement est lancé et que le prolétariat, dont la cause est juste, doit triompher. Il s’en prend à la « folie de l’armement » qui conduit à la ruine, alors qu’il faut travailler ensemble pour la paix et le bien-être de l’humanité.

1900 : La Fédération Internationale des Employés

Le premier Congrès international des Employés a lieu en même temps que le sixième Congrès de la FNE et dans la même salle, les 7 et 8 septembre 1900. Etaient représentées l’Union des Employés de Commerce de Londres (Guest) ; l’Union Nationale des Employés de Bradfort (Wilson) ; l’Association générale des Employés de Gand (Leperre, Soirou, d’Hollander) ; la Ligue Nationale des Employés de Gand (Bruggeman, Bologne, Troelet) ; la Société mutuelle des Employés de Bruxelles (Gicart) ; le Syndicat des Employés socialistes de Bruxelles (Grégoire, Servy) ; le Syndicat des Employés de Liège (Carl, Breyer, Antoine, Leblanc) ; la Ligue Nationale des Employés de Commerce et Bureaux d’Amsterdam (Odink) ; la Société de Prévoyance des Employés de Rome et l’Union des Employés de Commerce de Milan (Luigi, Stringa, Doglio). Ce qui permet la constitution de la Fédération Internationale des Employés, dont le premier Secrétaire général est le belge Auguste Bruggeman.

1905 : Grève chez Dufayel

Une affiche de la Chambre Syndicale et du Comité de grève s’adresse à la solidarité des Parisiens et des travailleurs pour les employés « en grève au nombre de 2000 » et proclame : « vive la solidarité ouvrière ! Vive la grève des Etablissements Dufayel », un des plus grands magasins de Paris. 300 employés continuent à travailler (selon la préfecture de police) et 60, selon L’Humanité du 20 décembre, l’article, en une, qui sous-titre « admirable solidarité des employés ». Les autres grands magasins (Galeries Lafayette ou La Samaritaine, avec 1 000 et 2 500 employés) ne se joignent pas au conflit, mais les employés des Galeries apportent un soutien financier, comme ceux du BHV. Le travail reprend le 27. Un procès-verbal est signé entre Dufayel de six délégués des deux sections syndicales. L’ensemble du personnel est réintégré. Le mouvement social, chez Dufayel, qui dure de mai à décembre, est important pour les employés et pour la réduction du temps de travail (à 10 heures par jour, en l’occurrence). Camille Devilar tire le bilan d’un mouvement qui ne nous a « pas donné de défaite, n’a pas enfanté non plus une éclatante victoire » (La Voix du Peuple du 7 janvier 1906). La victoire des grévistes est surtout morale, tant l’Union des Employés a été nette et majoritaire.

1906 : Loi interdisant le travail le dimanche

Grande victoire pour la Fédération Nationale des Syndicats d'Employés (FNSE) d’un combat initié par elle et soutenu depuis 1869 que le vote de la loi interdisant le travail le dimanche : « Loi du 13 juillet 1906 : article 1er : il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même employé ou ouvrier dans un établissement industriel ou commercial. article 2 : le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ».

1909 : Pour Francisco Ferrer

Les 16 et 17 octobre 1909, la CGT organise des manifestations en l’honneur de Francisco Ferrer (avec la SFIO et les anarchistes). La FNSE y participe. Sous le titre « Merci Paris », L’Humanité du 18 octobre précise qu’aux cris de « Vive Ferrer ! A bas la calotte », « il y a dans ces manifestants des citoyens de toutes les catégories, des employés, des ouvriers, et c’est bien le Paris qui travaille, le Paris généreux et vibrant, qui défile ». Il y a plus de 100 000 manifestants. La seconde manifestation se déroule avec autorisation préfectorale ; ce qui est une première. L’Humanité du 25 octobre 1909 propose une « tribune syndicale/Aux Employés », signée Cleuet, mettant en cause Briand, car « la loi sur le repos hebdomadaire sera révisée prochainement et contre notre gré.»

1912 : Licenciée pour défaut de génuflexion

Un conflit significatif a lieu en février 1912. A Lyon, « France Moderne » (succursale de « Paris France », groupe qui deviendra les Nouvelles Galeries…), n’avait pas manqué de faire connaître son idéologie d’Ancien régime, en licenciant une employée qui avait négligé de faire une génuflexion devant une cliente. L’employée syndiquée avait 16 ans d’ancienneté, et il y avait 100 syndiqués sur les 150 employés. Le 31 janvier, la décision était maintenue, en dépit d’une délégation de salariés auprès de la Direction. Le 5 février, le Syndicat fait savoir, en vain que voulant «éviter le conflit », il demande « la réintégration immédiate de notre camarade ». Le 6 février, 120 employés sur 125 sont en grève. En solidarité, 48 courtiers-encaisseurs de « Paris-Lyon » se mettent en grève, suivies par les succursales de Vienne, Givors, Annonay. Le 15 février, le Bureau de la FNSE publie une circulaire célébrant la « solidarité » des employés et mettant en cause les contrats de travail de « Paris France », tout en organisant le soutien financier à la grève et un affichage dans toutes les villes où se trouve un magasin de « Paris France ». L’affiche titre : « Employés Debout contre l’arbitraire patronal ». Outre la réintégration de la salariée était demandée la « conquête du contrat collectif de travail ». Pendant quarante-quatre jours, des manifestations ont lieu. « France-Moderne » ne peut rouvrir qu’au bout d’un mois, avec le recours à 50 gardes à cheval et 400 gardiens de la paix. Après plus de trois mois de grève, une coopérative de vente est créée, « L’Activité ». Dans son rapport, Monin, Vice-président de la Section Commerce des Prud’hommes, assure qu’il n’y a là ni vainqueur, ni vaincu, mais que les employés « ont pris conscience de leur force, ils ont fait tomber les dernières barrières qui les séparaient de leurs frères ouvriers ».

1917 : Grande grève féminine de mai 1917 et la loi sur la « semaine anglaise »

En mai 1917, commence chez Jenny, aux Champs Elysées, une grève des ouvrières qui demandent le paiement intégral de la semaine, en l’occurrence la semaine anglaise. Elles demandent une prime de vie chère de 1 franc pour les ouvrières et de cinquante centimes pour les apprenties. Les grévistes se réunissent à la Bourse du travail, l’après-midi du 14 mai, pour la poursuite du mouvement et son élargissement. Aux 250 ouvrières de la maison Jenny s’adjoignent les 500 ouvrières de la maison Cherruit, place Vendôme. Puis les ouvrières des Galeries Lafayette et du Printemps rejoignent la grève, le 17 ; de sorte que la grève est générale, avec 10 000 grévistes, dans 80 maisons. Le 25 juin, 3 000 employées de la Société Générale quittent l’avenue Kléber pour se rendre au siège social de l’entreprise, en dépit des menaces de la police. Au Crédit Lyonnais et au Conseil National d’Escompte, le mouvement suit. Le personnel des restaurants demande la semaine anglaise, tandis que la grève touche la cartonnerie, la papeterie. La Chambre des Députés est amenée à examiner le projet de loi sur la semaine anglaise. Le 12 juin, le J.O. publie le texte de la loi : «Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Art. 1er : Pendant la durée de la guerre et tant qu’une loi générale ne sera pas intervenue, dans les industries visées par l’article 33 du Livre 1er du code du travail et de la prévoyance sociale, le repos pendant l’après-midi du samedi sera assuré aux ouvrières de tout âge dans des conditions déterminées, pour chaque profession et pour chaque région, en tenant compte des besoins du travail dans les diverses saisons, par des règlements d’administration publique, qui se référeront, dans les cas où il en existera, aux accords intervenus entre les syndicats patronaux et ouvriers de la profession et de la région».
 


1919 – 1939
Assurances sociales et le Front Populaire,
le temps des conquêtes

1919 : 17e Congrès d’avril 1919 de la FNSE : « Vive Jaurès »

Le 17ème Congrès de la FNSE se tient au siège de la CGT, les 21 et 22 avril 1919. Il est précisé, par Georges Buisson, qui est le Secrétaire administratif : « Les syndicats qui ont cessé de fonctionner du fait de la guerre devront être à jour, à dater de leur reconstitution ». Dans son rapport moral, Buisson expose : « La guerre est venue au moment même où allait se tenir le 17ème Congrès Fédéral. La situation intérieure était excellente. Le conflit entre deux organisations parisiennes était terminé. Une fusion venait d’être réalisée, non de forme, mais foncièrement sincère. L’avenir se présentait sous des aspects riants. Hélas ! Le cataclysme a tout détruit. Beaucoup de bons militants ne sont plus, des organisations sont disparues. ». Il conclut : « Le Comité fédéral que vous nommerez devra posséder des moyens d’agir qui autrefois lui faisaient défaut. L’action de la fédération devra aussi être liée à celle de la CGT beaucoup plus qu’autrefois ». Le second jour est votée une motion : « Le Congrès décide qu’un permanent administratif sera désigné. Il sera employé tous les jours ». Le Congrès adopte un ordre du jour par lequel il « décide de lutter pour faire réaliser au plus tôt les mesures suivantes :
1. Augmentation des salaires en rapport avec le coût de la vie ; 2. Substitution des communes et des coopératives aux intermédiaires inutiles pour l’achat et la répartition des denrées ; 3. La nationalisation des moyens de transport ; 4. Le libre échange international. »
. Il se déclare favorable à un « salaire minimum nécessaire à un individu », qui est fixé, dans Paris et les grands centres, à « cinq cents francs par mois ». Le permanent administratif, élu à l’unanimité, est Georges Buisson, auquel revient de faire revivre la FNSE.

Mai-juin 1919 : Un grand élan pour la justice sociale

Vaste et dur conflit que celui démarré en mai 1919, en partie lié à l’application de la loi des huit heures, que bien des patrons ne veulent appliquer qu’avec une diminution des salaires ; alors même que la loi précise : « La diminution des heures de travail ne doit pas entraîner la diminution de la production ». Ce qui est remarquable, c’est que le mouvement initié en mai (20 000 grévistes) était corporatif, touchant d’abord l’habillement, le cinéma, le caoutchouc, les polisseurs nickeleurs. Puis un Comité d’entente des Conseils syndicaux de la Voiture et Aviation et de la Métallurgie, adresse un cahier de revendications au patronat, demandant une réponse pour le 1er juin (le patronat renvoyant au 5). Alors, le Comité d’entente se transforme en comité de grève. Ce qui est adopté, lors de meetings tenus à la Bourse du Travail et au siège de la CGT, le 1er juin, pour application le lendemain de la grève. Les métallurgistes et avionneurs étaient 80 000 en grève, le 2, 150 000 le lendemain. Pour ce qui concerne la grève des employés du Printemps (4 500), elle devait se terminer le 4 juin, avec satisfaction pour la journée de 8 heures et l’augmentation des salaires. La Direction du Printemps fait savoir que le cahier de revendications concerne aussi les autres grands magasins. Des mouvements protestataires se développent, fin juin, à La Samaritaine, au Louvre, mais que c’est surtout aux Galeries Lafayette que le cahier de revendications est établi comme au Printemps. Réunis le 30 mai, à la Bourse, les employés accordent leur confiance à la FNSE et à Buisson, qui indique que les salaires sont insuffisants, qu’il n’y a pas de salaire minimum et que la Direction semble d’accord pour la semaine anglaise et la journée de huit heures.

1923 : Pour les Assurances Sociales

Le 7 novembre, le meeting de la Chambre Syndicale est consacré aux Assurances sociales. Buisson déclare : « C’est une nécessité, non seulement parce que les travailleurs d’Alsace-Lorraine en bénéficient déjà, mais aussi parce que c’est la fin de la législation actuelle et qu’il faut bien que les parlementaires apportent quelque chose à leurs électeurs… ». Les parlementaires venaient d’atténuer la portée de la loi en substituant la prime de naissance pour une prime d’allaitement et supprimant les soins gratuits aux retraités. Buisson insiste sur le caractère obligatoire que doivent avoir les Assurances sociales (le patronat les voulait facultatives) ; d’autant que cette loi « procurera aux travailleurs des avantages immédiats et sera un grand pas vers leur émancipation » La loi sur les Assurances sociales de 1930 voit l’opposition à cet acquis social qui préfigure la Sécurité Sociale de la CGTU communiste, fondée par scission de la CGT en 1922. H. Raynaud, dirigeant du PC et de la CGTU, écrit dans Vie Ouvrière du 2 février 1930 : « à bas la loi fasciste des assurances sociales ». La CGT confédérée, à l’inverse, dans le cadre de la loi, mettra en place les Caisses « Le Travail », gérées par les assurés, et dont Buisson sera le Président. Néanmoins, Buisson ne cache pas que « la loi de 1930 contient de nombreuses lacunes et des faiblesses » et qu’il s’agit de mettre en place « une véritable loi de défense de la santé publique ».

1925 : Grève dans les banques

Le tout début de la grève de 1925 est le fait des Employés de Marseille, à compter du 20 juillet, avec les confédérés Bastilica, Gazagnaire, Secrétaire fédéral, et Berne. Puis elle gagne la Banque Nationale de Crédit, le 28 juillet ; le 30 juillet le Crédit Lyonnais est en grève et le Conseil National d’Escompte, le 31. La FNSE fait placarder une affiche qui clame : « Camarades, Les ploutocrates de la Banque essayent de recruter dans vos rangs des briseurs de grève […] Vous vous refuserez à faire cette besogne, quelles que soient les promesses faites ». Le Comité Central de grève réuni à la Bourse du Travail, le 2 septembre, décide la poursuite de la grève, qui sera un échec, en dépit de son ampleur, du fait de la division syndicale. L’affiche de la Chambre Syndicale des Employés de Banque et de Bourse, sous le titre « A l’Opinion Publique » tire le dur bilan du conflit : « La population parisienne toute entière, si sympathique au mouvement déclenché par les employés de Banque de Paris, pendant près de sept semaines, n’ignore pas que ceux-ci n’ont été vaincus que par la faim. La rage au cœur, la majorité des “miséreux en faux-cols” ont dû réintégrer leurs bureaux, mais l’esprit de revanche et de haine de plusieurs banquiers devait produire son effet. Plus de 400 camarades parisiens sont licenciés. Pour pallier cette situation de misère, nous faisons appel : A la Solidarité Ouvrière. »

1930 : 25ème Congrès, travail des femmes et élection de Capocci

Suzanne Buisson défend, contre l’avis de certains syndiqués, « une tendance générale vers le développement de l’indépendance féminine et de la personnalité féminine. Je crois que ce développement de la personnalité et de l’indépendance féminines ne peut s’appuyer véritablement que sur une indépendance économique…je pense qu’il faut entrer résolument dans la voie de l’augmentation du travail pour l’augmentation des salaires et l’allégement des tâches ménagères, par les méthodes nouvelles de l’aménagement du foyer. » ; ce qui conduit à une Résolution condamnant le travail à mi-temps comme « conception périmée du travail féminin »..Enfin, commentant la loi du 30 avril 1930 sur les Assurances sociales, le Congrès adopte une motion, présentée par Buisson : « Les employés sont pour les Assurances sociales. Les employés sont pour le versement ouvrier qu’ils acceptent au même titre que leurs camarades des services publics. Mais ils considèrent que l’application de la loi qu’ils ont réclamée ne saurait signifier pour eux l’abandon de tout effort pour améliorer leurs salaires ». Oreste Capocci est élu Secrétaire général.

12 février 1934 : Le fascisme ne passera pas

Pour contrer la tentative fascisante du 6 février 1934, la CGT décide la Grève Générale, limitée à 24 heures, effective lundi 12 février. Grâce à cette initiative de la CGT, le fascisme reculera. Dans son éditorial (L’Echo des Employés, n°90), Capocci écrit : « C’est aux classes laborieuses, aux salariés, aux paysans, aux intellectuels et à tous ceux qui vivent de leur travail qu’il appartient de se grouper et d’imposer leur volonté pour supprimer le chômage et mettre fin au régime de concussions et de compromissions ». Il ajoute, pour la journée du 12 : « Grève politique ! a dit la Confédération des travailleurs chrétiens pour justifier son attitude inqualifiable donnant ordre à ses syndiqués de rester à leur poste. Allons donc ! Ne savons-nous pas que le triomphe du fascisme, c’est la destruction de la liberté tout court, la suppression des lois sociales, la mort des Assurances sociales, la fin des huit heures et toutes les lois péniblement acquises après 40 ans de luttes incessantes ?» Le retentissant succès de la grève du 12 février, initiée par la CGT confédérée (rejointe par la CGTU communiste, après l’échec de sa propre manifestation du 9 février) va conduire, à compter de la fin 1934, à un retour de la CGTU au sein de la CGT et au Rassemblement populaire, le 14 juillet 1935 (CGT avec la LDH, le Parti socialiste, le Parti communiste et le Parti radical), qui deviendra le Front populaire.

16 décembre 1935 : Réunification de la FNSE

Le 16 décembre 1935, la Fédération Nationale des Syndicats d’Employés est réunifiée, à la suite d’un accord passé le 7 décembre. Les termes 4 et 5 de l’accord prévoient que «4. En attendant la tenue du Congrès qui devra désigner sa nouvelle Commission exécutive, il sera adjoint quinze camarades confédérés et quatre unitaires 5. Pour le Bureau Fédéral, il sera adjoint aux titulaires confédérés un camarade unitaire comme Secrétaire adjoint fédéral ». Il est précisé que les syndicats adhérents «7. Pratiqueront leur fusion respective comme il est indiqué dans la circulaire du 18 octobre 8. A dater du 16 décembre 1935, le siège de la Fédération sera centralisé à la Bourse du Travail, 3, rue du Château d’Eau, Paris (10e) ». Le point 9 de l’accord : « Les militants responsables des deux Fédérations s’engagent sur l’honneur à soutenir devant le Congrès de fusion les statuts élaborés d’un commun accord, la liberté de chacun restant entière sur le point litigieux des incompatibilités. Jusqu’au Congrès, le Bureau est ainsi constitué : Secrétaire général (seul permanent) : Capocci ; Secrétaires adjoints : Blanche Moine (élue à la CE en 1924), Delon (principal dirigeant CGTU), Dannely ; Trésorier ; P. Paris ; Trésorier adjoint : Vuacheux ; Archiviste : Daveau » (La Voix du Peuple, n°182, décembre 1935). La fusion sera effective lors du Congrès Fédéral d’avril 1936.

Juin 1936 : Grève dans les grands magasins

Pour les employés la grève, commence le samedi 6 juin 1936, avec la rencontre d’une délégation des syndiqués des Galeries Lafayette, accompagnés de Capocci et de la Direction qui n’entend pas négocier. La grève commence, les portes de l’établissement restant fermées. A 11 heures, il en était de même au Printemps, avec installation des piquets de grève. A la Samaritaine, des bagarres ont lieu, vers 18 heures, des chefs de service voulant empêcher la grève. Il en est de même au Louvre. Seul Le Bon Marché semble rester à l’écart, mais l’unité du mouvement le conduit à fermer ses portes ; tout comme les Prix Uniques. Ce 6 juin est le jour où Blum obtient la confiance par 384 voix contre 210. La Fédération publie un communiqué : « Le puissant mouvement de grève qui se développe chez les employés a pour but l’obtention des conditions de vie compatibles avec les nécessités actuelles. Les Galeries Lafayette et annexes, le Printemps, les Trois Quartiers, le Bazar de l’Hôtel de Ville, Esders, Sigrand, les Uniprix, les Monoprix et d’autres magasins à prix uniques font unanimement la grève. A La Samaritaine, ce sont les travailleurs des annexes et des services de livraison qui ont arrêté le fonctionnement des magasins qui sont maintenant fermés. Au Bon Marché, c’est la direction qui a fermé le magasin […] La Chambre syndicale des Employés en grève, a conduit et continuera à conduire le mouvement dans le calme et la discipline et la dignité indispensables jusqu’à l’aboutissement des revendications de toutes catégories » (Le Populaire du 7 juin). Le mouvement global va durer 17 jours, jusqu’à la victoire acquise le 21 juin, permettant à la FNSE d’affirmer : « Pour nous qui connaissons quels salaires misérables étaient pratiqués dans certains magasins, pour nous qui savons quelle chasse était faite aux militants syndicalistes, pour nous qui connaissons les attaques immorales dont étaient victimes nos camarades femmes, nous pouvons dire que les employés ont remporté une Grande Victoire et qu’ils ont le droit d’en être fiers » (L’Echo des Employés n°1 de juin 1936). Les salaires augmentent entre 25% pour les plus bas salaires et 5% pour les plus élevés. 1 500 employés du BHV mettent un terme à « l’occupation » en chantant la Marseillaise et l’Internationale.

1938 : La FNSE pour la République espagnole et contre les accords de Munich

Capocci fait, dans l’éditorial du numéro 11 de L’Echo des Employés un terrible constat : « Par les voix de Hitler et de Mussolini la guerre frappe plus impérieusement à notre porte », tout en craignant le retour de graves divergences au sein du mouvement ouvrier et de la CGT, à propos de la guerre et de l’opposition au fascisme, voyant dans la désunion de la République espagnole la raison de son échec, car Franco « eut été écrasé au début avant que ne puissent venir à son aide les armées de l’Allemagne et de l’Italie. » Lors du Congrès Fédéral d’avril 1938, Capocci intervient sur la question de la paix et la Résolution du Congrès précise « que la paix ne peut pas être garantie par l’abdication constante devant les forces d’agression, qu’il est urgent d’ouvrir la frontière républicaine des Pyrénées, conformément d’ailleurs aux accords commerciaux franco-espagnols, et aux règles du droit international qui commande les libres fournitures au gouvernement légal. En premier geste, le gouvernement français doit envoyer solennellement une caravane de vivres et de médicaments aux républicains espagnols. Il déclare qu’il n’est pas possible de laisser régler par la force les problèmes mondiaux, notamment la question tchécoslovaque. » Les décrets–lois Daladier/Reynaud remettent en cause des acquis du Front Populaire (dont Daladier avait été ministre), à commencer par les 40 heures. Dans les grands magasins (Printemps, Belle Jardinière), des dizaines d’employés sont licenciés. La servilité du gouvernement à l’égard du patronat est telle, qu’au Printemps, un employé qui a refusé de signer une pétition se disant favorable aux 42 heures est licencié. La FNSE organise des meetings pour le 1er mai ; « pour protester contre les décrets–lois de misère […] Pour réclamer le respect des lois sociales et le retour aux 40 heures normales ». La Commission Exécutive Fédérale, réunie le 25 avril, dénonce les décrets lois qui « relèvent uniquement de la défense des privilèges des grandes puissances financières et non de la défense nationale […] Les employés qui veulent à la fois se défendre contre le fascisme extérieur et contre le fascisme intérieur se doivent de réagir avec force contre la destruction des lois sociales et des libertés ».
 


1940 – 1945
La Fédération à la pointe de la Résistance
et contre la Charte du Travail de Vichy

Novembre 1940 : Manifeste du syndicalisme français avec la FNSE

Le 15 novembre 1940 est publié le « Manifeste » ou « Principes du Syndicalisme français ». Est énoncé : « Le syndicalisme français doit s'inspirer de six principes essentiels : A. Il doit être anticapitaliste et, d'une manière générale, opposé à toutes les formes de l'oppression des travailleurs. B. Il doit accepter la subordination de l'intérêt particulier à l'intérêt général. C. Il doit prendre dans l'Etat toute sa place et seulement sa place. D. Il doit affirmer le respect de la personne humaine, en dehors de toute considération de race, de religion ou d'opinion. E. Il doit être libre, tant dans l'exercice de son activité collective que dans l'exercice de la liberté individuelle de chacun de ses membres. F. Il doit rechercher la collaboration internationale des travailleurs et des peuples. »
Il y a 12 signataires, trois CFTC, qui rejoignent les initiateurs, les 9 de la CGT. Christian Pineau, de la FNSE, est le rédacteur du Manifeste et c’est sur la ronéo de la Caisse « Le Travail » qu’est reproduit le premier numéro de Libération. Ils sont trois sur douze à être membres de la FNSE : Christian Pineau, Albert Gazier et Oreste Capocci. Du Manifeste va naître, dès le 1er décembre 1940, Libération, qui donnera naissance à un des principaux réseaux de Résistance. Le Manifeste précise : «Respect de la personne humaine veut dire : Le syndicalisme ne peut admettre en particulier : - L'antisémitisme. - Les persécutions religieuses. - Les délits d'opinion. - Les privilèges de l'argent. Il réprouve en outre tout régime qui fait de l'homme une machine inconsciente, incapable de pensée et d’actions personnelles ». Quant à la liberté : « Le syndicalisme a été et demeure fondé sur le principe de la liberté : il est faux de prétendre aujourd'hui que la défaite de notre pays est due à l'exercice de la liberté des citoyens, alors que l'incompétence de notre état-major, la mollesse de nos administrations et la gabegie industrielle en sont les causes intérieures. La liberté syndicale doit comporter : - Le droit pour les travailleurs de penser ce qu'ils veulent, d'exprimer comme ils l'entendent, au cours des réunions syndicales, leurs pensées sur les problèmes de la profession. - Le droit de se faire représenter par des mandataires élus par eux. - Le droit d'adhérer à une organisation syndicale de leur choix ou de n'adhérer à aucune organisation. - Le droit de ne pas voir les organisations syndicales s'ingérer dans la vie privée. La liberté peut comporter des abus. Il est moins important de les réprimer que d'éviter leur renouvellement ».

Décembre 1941 : Condamnation de la Charte du Travail

Pratiquement, Capocci et ses camarades résistants vont cumuler l’activité clandestine avec une activité militante publique dans les institutions promises à la disparition par Vichy, les fédérations et les unions, afin d’interdire aux syndicalistes collaborateurs de s’en emparer. A terme, cette forme de résistance triomphera, en interdisant (et la FNSE en est un remarquable exemple) à des syndicalistes « collabos » de prétendre parler au nom de la Fédération. Le fait est que, le 14 décembre 1941, se réunit, sous l’égide de Capocci, le Conseil National de la FNSE, qui vote, adoptée à la majorité, une « Motion sur la Charte du Travail » : « Le Conseil National de la FNSE, se déclare convaincu que la Paix sociale indispensable au relèvement de la France ne peut naître que de la collaboration des classes. Mais il n’est de collaboration sincère et durable que si salariés et patrons sont placés sur un pied de stricte égalité. Il regrette de constater que la Charte du Travail ne répond pas à cette nécessité. La puissance patronale est renforcée dans des Comités d’Organisation où ne pénètre pas sérieusement l’influence ouvrière et dans ses syndicats qui se soucieront peu, en fait, de la tutelle des Comités Sociaux. Il n’aperçoit pas dans la loi du 4 octobre 1941 le contrepoids indispensable qui serait strictement maintenu sur le terrain professionnel, un syndicalisme ouvrier fort et indépendant. Les travailleurs sont privés de tout lien interprofessionnel, ils sont placés sous la surveillance des Comités Sociaux, ils ne peuvent même pas désigner librement leurs représentants. Bien plus, la loi permet la constitution d’associations mixtes qui seront créées, inspirées et dirigées par les patrons. Capocci parvient à faire adopter, en sus, une « Motion de confiance », elle aussi votée à la majorité et qui a l’avantage décisif de donner au Bureau Fédéral l’initiative, laquelle est, officiellement, contre Vichy, depuis le 15 novembre 1940 : « Le Conseil National fait confiance au Bureau Fédéral pour continuer l’action syndicale jusqu’à la création des Organisations nouvelles. Il lui demande d’inciter ses syndicats à intensifier leur recrutement de façon à continuer à défendre de leur mieux, dans les circonstances actuelles, les intérêts des employés ».

24 juillet 1945 : Buisson, père de la Sécurité Sociale

Georges Buisson, Secrétaire général de la Fédération de 1919 à 1929, Vice-président de l’Assemblée Consultative Provisoire, chambre de la Résistance, d’Alger à Paris, présente, le 24 juillet 1945, devant l’ACP, l’ordonnance fondatrice de la Sécurité Sociale, en 88 articles, pour mettre en place la Sécurité Sociale au 1er janvier 1946. Les travaux de l’ACP étant arrêtés au 3 août, c’est le Conseil d’Etat, dans le cadre de l’ordre républicain, qui est chargé de l’ordonnance fondatrice. Pierre Laroque reprend donc, sans le préciser, l’ordonnance de Buisson et reproduit, à quelques corrections près, le texte de Buisson en ses 88 articles. Tel est le texte fondateur du 4 octobre 1945. Il n’en reste pas moins que le Père de la Sécurité Sociale est bien un employé de commerce, syndiqué à la CGT confédérée, est bien Georges Buisson.
 


1946 – 1973
La Fédération devient la FEC au sein de la CGT-FO

Mars 1946 : 30ème Congrès Fédéral de Vichy qui fonde la FEC

C’est dans le contexte d’une Libération faite d’un désenchantement engagé, que se tient le Congrès Fédéral, à Vichy, en mars 1946, du 28 au 31. La Résolution générale enregistre les acquis nouveaux : « Premières nationalisations encore insuffisantes, mais qui retirent des branches importantes de l’économie du contrôle des trusts pour les mettre au service de la nation/Développement de la production qui doit permettre d’améliorer le sort des travailleurs et d’assurer l’indépendance du pays/ Compression des dépenses budgétaires qui permet d’amorcer le redressement financier et d’éloigner l’inflation qui réduirait à la misère et au désespoir les masses laborieuses et les petites gens de France… » Ce 30ème Congrès salue « les employés d’Algérie, de Tunisie, du Maroc et des territoires d’outre-mer, les assure de sa complète solidarité et réclame pour eux l’égalité des droits avec les travailleurs de la métropole ». Une Résolution sur l’Algérie demande « l’application d’une amnistie pleine et entière aux condamnés politiques musulmans d’Algérie », faisant appel « aux pouvoirs publics pour qu’ils indemnisent toutes les victimes des événements de mai 1945 et fassent la lumière sur les responsabilités encourues de part et d’autre ». Ceci désigne le massacre de la population algérienne, à Sétif, en mai 1945, perpétré en toute impunité. Le Congrès salue la création de la Fédération Syndicale Mondiale qui rassemble « plus de 60 millions de travailleurs du monde entier et réclame pour elle le droit à une participation directe aux travaux de l’ONU, comme l’ont réclamé la France et l’URSS ». C’est dire qu’il s’agit d’un Congrès de consensus entre les deux tendances de la FNSE, tant avec Capocci qu’avec Delon. Il est remarquable que les effectifs soient comparables à ceux de 1937 (199 652 cartes). La FEC va utiliser tout son matériel FNSE durant l’année 1946. La première appellation FEC, officielle, c’est la circulaire 1-47-SA en date du 2 janvier 1947 et signée conjointement par Capocci et Delon. Elle porte le sigle de la CGT et de la Fédération Syndicale Mondiale et est toujours sise au 213, rue Lafayette.

Décembre 1947 : Fondation de la CGT-FO, choisir la liberté

La mise au point de Capocci, sous le titre « nous aussi nous avons choisi », est fort claire : « Etrange indépendance qui consiste à calquer l’action syndicale sur l’action du parti communiste. A décréter que les grèves sont l’arme des trusts quand les ministres communistes sont au pouvoir, à ne pas hésiter à se faire briseur de grève à l’occasion et ensuite de chercher tous les prétextes, les mauvais comme les bons, pour susciter des grèves […] On veut nous faire choisir entre deux blocs, chacun nous dit : “Si vous n’êtes pas avec nous, c’est que vous être contre nous”. C’est le procédé de toutes les dictatures. Un de nos camarades est venu à la tribune du CCN dire : Entre le capitalisme américain et l’URSS mon choix est fait ». Il semblait croire que le nôtre ne l’était pas. Pourtant nous aussi nous avons choisi : ni le capitalisme international représenté par le capitalisme américain, ni le capitalisme d’Etat représenté par l’URSS ; Nous avons choisi la liberté » (FO Hebdo du 20 novembre 1947). Le terme est le 19 décembre 1947, jour du Comité national de la CGT. A ce terme, le groupe central « Force Ouvrière » demande « aux camarades Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Pierre Neumeyer, Georges Delamarre de démissionner du Bureau Confédéral. En militants disciplinés, ils ont remis leur démission, vendredi après–midi, au deuxième Secrétaire général, Benoît Frachon […] Considérant que la défense des intérêts des travailleurs n’est plus possible dans le cadre d’une Confédération qui ne permet pas la libre expression des syndiqués, la Conférence nationale de “Force Ouvrière” a décidé que nous devions reconstruire un mouvement syndical indépendant ». Dans un texte public, la Conférence Nationale, réunie les 18 et 19 décembre 1947, affirme : « La Conférence considère que la véritable Confédération Générale des Travailleurs continue en dehors de l’organisation existante, qui n’a plus de la CGT que le nom, puisqu’elle a violé délibérément ses propres statuts et bafoué les véritables principes du syndicalisme traditionnel […] L’organisation Force Ouvrière lance solennellement un appel à tous les travailleurs de France et d’Outre-mer pour adhérer au Mouvement et réaliser ainsi l’unité véritable et féconde de tous les ouvriers, employés, agents de maîtrise ». A la FEC, la tendance communiste demeure minoritaire, les confédérés, avec Capocci, « continuent la CGT ».

1948 : Reconnaissance de la « représentativité » de la FEC, puis de la CGT-FO

La circulaire 7/48 OG a une importance particulière, puisqu’elle a pour objet, dès le 3 février, le « caractère représentatif de la Fédération ». Capocci y fait état d’une lettre reçue le 2 février, du ministre du Travail : « M. le Secrétaire général, Vous m’avez informé de la décision prise par la Comité National de la Fédération des Employés et Cadres du Commerce, du Crédit, des Assurances, des Professions libérales et divers, de se retirer de la Confédération Générale du Travail et d’adhérer à la Confédération Générale du Travail “Force Ouvrière”. Vous me demandez, en conséquence, de confirmer le caractère représentatif de votre Fédération. J’ai l’honneur de vous faire connaître que je considère que la Fédération des Employés et Cadres reste comme par le passé l’une des organisations syndicales les plus représentatives du personnel des branches d’activité pour lesquelles le caractère lui a été précédemment reconnu. C’est notamment le cas en ce qui concerne les Assurances et les Banques. J’adresse à ce sujet des lettres aux Présidents de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance et de l’Association Professionnelle des Banques. Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’assurance de ma considération distinguée ». Il s’agit, de la part du ministre, Daniel Mayer, d’une application de la Circulaire Parodi du 28 mai 1945 laquelle considère comme « représentatives », la CGT et la CFTC et dont les six éléments d’appréciation sont les effectifs, « l’indépendance », les cotisations, l’expérience, l’ancienneté et, enfin « l’attitude patriotique » pendant l’Occupation. La circulaire Parodi reçoit son application la plus évidente avec le fait que la CGT-FO est reconnue organisation syndicale « représentative » (parution au Journal Officiel du 9 avril 1948) et son Congrès fondateur se tient en avril. La loi de 2008, bafouant la Résistance, supprimera la circulaire Parodi (et la présomption irréfragable de représentativité, base de la négociation collective), pour le grand plaisir du MEDEF, dont l’ancêtre, la CGPF, avait choisi la collaboration.

1953 : Grève nationale d’août

La grève commence le 4 août à Bordeaux, à l’initiative des postiers de la Fédération FO. Son programme est : « lutte contre les décrets réactionnaires, indemnité mensuelle uniforme d’attente, indemnité de sujétion spéciale, défense des effectifs et des auxiliaires ». Le fait est que « dès le 6 août, la Fédération Force Ouvrière des PTT a déclenché la grève générale illimitée et les autres Fédérations de fonctionnaires passent à l’action » (JEC du 7 août 1953). FO, la FEC et la Fédération des Métaux, par un communiqué commun, lancent un mot d’ordre de grève pour le 13. Le privé est partie prenante de la grève. Le 11 août, la CE de la FEC élargie aux délégués régionaux présents à Paris « lance le mot d’ordre de grève générale […] pour le jeudi 13 août », reprenant l’ensemble des revendications de la Fédération et exigeant « l’abrogation des décrets-lois portant à l’autonomie de gestion des institutions de la Sécurité Sociale et des entreprises nationalisées ». La CGC maintient son opposition à la grève. Il y a 4 millions de grévistes, le 13. La division syndicale, venant de la CFTC, conduit ce large mouvement de grève à l’échec. Pour la FEC, Adolphe Sidro, Secrétaire général, écrit : « Une grande bataille sociale a été engagée au mois d’août par les travailleurs de la fonction publique et des services publics. Dès les premiers jours, la grève déclenchée contre les décrets-lois a été largement dépassée par la lutte pour la revalorisation essentielle dans un pays où la moitié des travailleurs ont des salaires misérables […] Dès le 26 août, la Fédération des ingénieurs et cadres stigmatisait l’incroyable communiqué du Comité interministériel dans une conférence de presse […] Au faux dilemme du seul choix entre la réaction et l’aventure, les grèves d’août ont donné une réponse nette. La grande force sociale de ce pays doit être et ne peut être animée que pas un syndicalisme authentique ouvrier, celui que nous représentons ». (L'Echo des Employés et Cadres, 12 octobre 1953).

1954 : Bilan historique, pour les 60 ans de la Fédération des Employés

La fin 1954 est marquée par le 34ème Congrès Fédéral, à Paris, réunissant 305 syndicats, du 16 au 18 octobre. Le rapport moral est un bilan historique et rappelle que « la Fédération des Employés a été fondée le 13 juillet 1893. Elle est une des plus vieilles du mouvement syndical français, une de celle dont les titres de noblesse ont été acquis au cours de rudes batailles de défaites surmontées, de magnifiques victoires. Une Fédération qui n’a jamais séparé sa lutte de celle menée par l’ensemble des travailleurs pour leur émancipation […] Pendant les 4 années sombres de l’occupation, la Fédération reste fidèle à elle-même et à son passé. Son siège est un centre actif de résistance. Ses militants participent à la lutte clandestine. Deux secrétaires fédéraux, Boulanger et Lemaire, tombent dans la bataille pour la liberté […] En décembre 1947, la trahison des politiciens voulant domestiquer le mouvement syndical provoque la scission. La majorité fédérale rejoint sans hésitation la CGT-FO et garde le titre que les scissionnistes voulaient usurper. La Fédération reste celle de la lignée des vieux combattants de toutes les batailles sociales qui ont modifié si profondément les conditions de vie des employés ».

1956 : Avec la Hongrie libre

La FEC, en accord avec le Bureau de la CGT-FO, décide d’un mouvement d’arrêt de travail, pour le mercredi 7 novembre 1956, de 17 à 18 heures. Sidro écrit : « Une répression atroce, impitoyable a été la réponse faite par ceux qui osent encore se réclamer du socialisme. Non, il n’est pas possible que les insurgés du peuple hongrois n’aient été que les fascistes et les contre-révolutionnaires que dénoncent calomnieusement les serviles laudateurs du despotisme russe » (JEC du 6 novembre).

1957 : Grève dans les grands magasins

G. Rino explique, dans FO Hebdo n°588 du 30 mai 1957, que le personnel commence, pour la première fois, le 18 mai 1957, pour la majoration des barèmes et l’augmentation des salaires. Le mardi 28 mai, tous les délégués des grands magasins se rendent devant leur Direction, pour mettre un terme au refus de négocier du patronat. Les premiers à donner satisfaction furent les Magasins Réaumur, où seul FO était représenté. Chez Prisunic, il y eut 14 débrayages pour le seul 7 juin. Le numéro 455 du JEC, du 19 juin, peut titrer « L’ACTION SYNDICALE PAIE - VICTOIRE DANS LES GRANDS MAGASINS PARISIENS ». Au magasin le Printemps, les employés et ouvriers avaient débrayé tant le 18 que le 25 mai ; les Galeries Lafayette, le 1er juin, suivies des services de province, le 4 juin et d’une partie de la Samaritaine, le 7 juin. A terme, la lutte a un effet collectif, avec additif à la Convention collective du 30 juillet 1955. Longue lutte pour obtenir cette Convention collective, suivie, en août, de deux conventions applicables aux cadres. Ce sont les employés qui ont combattu pour le droit collectif du travail. Pour gagner cela, près de 60 arrêts de travail dans les magasins populaires de la région parisienne, jusqu’à l’accord du 14 juin et face à un patronat qui ne voulait pas d’une Commission Mixte quelques semaines plus tôt. Le tout jusqu’à l’accord du 26 juin 1957, qui prend forme d’additif à la convention collective, pour réduire l’écart de rémunération entre grands et petits magasins.

1957 : Grève dans les banques

Dès le 3 juillet, des grèves éclatent dans les banques nationalisées. Le 4 juillet, un meeting réunit des milliers de participants. Il est indéniable que la constitution, le 9 juillet 1957, d’un Comité national de grève fait la différence lors de ce conflit. Sidro pour la CGT-FO et Delon, pour la CGT, sont présents. Le 10 juillet, 80 000 employés (et quelques cadres) sont en grève, par un mouvement sans équivalent depuis 1947. Il y a 123 villes touchées, le 9 juillet, la grève étant générale du 9 au 28 juillet. Le Bureau de la FEC apporte son soutien financier (JEC du 22 juillet). Pour Sidro, dans le Rapport de la Section du Crédit pour le 35ème Congrès Fédéral, ce qui importe « c’est la victoire morale remportée sur un système qui ligotait les organisations syndicales depuis août 1953 ».

1960 : 36ème Congrès et l’Algérie

La Résolution « pour que cesse la guerre en Algérie » affirme que « Le Congrès comme le fait la Fédération depuis 5 ans, condamne la violence et les attentats quels qu’en soient les responsables et les victimes. Il proclame que le drame algérien doit prendre fin par un cessez-le-feu qui ne peut intervenir qu’entre ceux qui se battent et des négociations qui doivent s’engager entre ceux qui les représentent ; Le sort de l’Algérie dépend des décisions que prendra librement la population d’Algérie. Le Congrès affirme son attachement au désir profond des employés en vue de la recherche de la paix sans exclusives ni préalables. »

1966 : Grève nationale du 17 mai

Le 5 mai 1966, le Bureau de la FEC appelle à la grève nationale pour le 17 mai. Le contexte politique et social, comme le dénonce la FEC, c’est la poursuite de la « politique des revenus dont le seul but est de maintenir le blocage des rémunérations » (JEC du 23 février). Ceci explique la motion adoptée lors du Conseil national de la FEC, qui condamne le nouveau gouvernement « étroitement soumis aux options du 5e Plan condamné, à plusieurs reprises, par le mouvement syndical […] Il reste toutefois convaincu que seule une action concertée et simultanée des travailleurs peut faire échec à la politique rétrograde du gouvernement, à cet effet il charge le Bureau Fédéral de demander à la confédération que Force Ouvrière prenne, à nouveau, l’initiative d’une telle action ». La FEC est à l’initiative du mouvement de grève du 17 mai 1966, laquelle mobilise une grande partie du secteur privé.

17 mai 1967 : Pour la défense de « notre Sécurité Sociale »

Pour ce qui concerne la grève du 17 mai 1967, elle est motivée, pour la section des Organismes sociaux divers et divers, par le fait, selon les termes de Marc Blondel, qu’« à de rares exceptions près les ordonnances n’ont vu la concrétisation que de mesures conservatrices- pour l’heure, c’est la Sécurité Sociale, notre Sécurité Sociale qui se trouve menacée sur son indépendance d’abord, sur ses prestations ensuite » (JEC du 9 mai 1967). C’est que le pouvoir gaulliste entend se faire attribuer des pouvoirs spéciaux, et de légiférer par ordonnances, contre tout principe démocratique, afin de remettre en cause, en effet, la Sécurité Sociale. La grève unitaire du 17 mai 1967 CGT-FO, CFDT, CGT et FEN est perçue par le pouvoir politique (conférence de de Gaulle du 16 mai, pour en masquer la signification avec la formule « les partis pris ne doivent pas obscurcir l’intérêt général»), sans l’empêcher de passer outre et de qualifier le recours aux pouvoirs spéciaux de « normal en principe ». Pour le 17 mai 1967, FO lance un appel pour un arrêt national de travail de 24 heures « pour affirmer son droit constitutionnel de discussion dans tous les domaines et à tous les niveaux / défendre la Sécurité Sociale, conquête fondamentale du mouvement ouvrier».

1968 : 40ème Congrès de la FEC

Du 10 au 13 mai, à Toulouse, se tient le 40ème Congrès de la FEC. En signe d’ouverture, c’est Yves Simon, des Organismes sociaux, qui accueille les délégués. Marius Allègre présente le rapport moral et condamne tant les ordonnances sur l’intéressement que sur la Sécurité Sociale. La Résolution générale « affirme que l’Europe ne pourra se faire qu’avec la participation des travailleurs, ce qui rend indispensable l’élaboration d’une politique sociale communautaire qui doit être discutée avec les représentants des salariés groupés dans les organisations syndicales libres […]. Le Congrès dénonce toutes les dictatures entre autres celles du Portugal, d’Espagne et de Grèce. Il est solidaire de la lutte engagée par les peuples pour se libérer l’Ouest comme à l’Est ». Il « réaffirme son attachement au principe de l’unité syndicale ». Le Congrès s’achève, apprenant les manifestations du Quartier Latin, par une motion de « solidarité avec les étudiants et d’approbation de la grève générale ». La Section Fédérale du Commerce tire ce bilan de mai 1968 : « Comme la quasi-totalité des travailleurs, les employés de commerce ont participé massivement à la grève générale illimitée qui devait toucher toutes les branches d’activité et dont l’ampleur a fait apparaître au grand jour le profond mécontentement des salariés, né et accumulé durant de longues années ». Pour conclure qu’il y a « des résultats […] mais pas entière satisfaction » (JEC du 1er juillet).
 


1974 – 1989
Marc Blondel, du Secrétariat général de la FEC
au Secrétariat général de la CGT-FO

1974 : Grève illimitée et reconductible dans la banque

Dans la Banque, le blocage de toute négociation conduit à un appel interfédéral pour une grève pour le 11 mars, sur une base privilégiée par FO, à savoir grève illimitée et reconductible. Pour sa part, la CGT s’en tient à une grève de 24 heures, le 8 mars. Le 20 mars, une manifestation de 35 000 employés défile dans Paris. Il y a de nombreuses manifestations en province. Le mouvement est interfédéral, la CGT l’ayant rejoint. Les groupes UDR et centristes de l’Assemblée refusent de recevoir la délégation interfédérale. Lors d’une conférence de presse, le 21 mars, Bergeron déclare : « Les employeurs ne doivent pas miser sur le pourrissement du conflit dans la banque. FO aidera à la recherche d’un compromis, car FO ne jouera pas la politique du pire ». Le 27 mars, une délégation interfédérale est reçue par le ministre des Finances, Giscard, lequel se dit favorable à une reprise des négociations.» (JEC du 28 mars). La négociation reprend, le 29 mars ; la grève se poursuivant jusqu’au mercredi 17 avril. Si les revendications sont, pour l’essentiel satisfaites (salaires, conditions de travail, droit syndical), le paiement intégral des jours de grève reste en suspens et les disparités entre établissements.

1974 : 42ème Congrès de la FEC et élection de Marc Blondel

Ce Congrès, tenu à Reims du 8 au 12 mai 1974, entend Bergeron dire à la tribune : « le Congrès de la Fédération FO des employés est un mini Congrès Confédéral ». Au terme du Congrès, Marc Blondel est élu Secrétaire général de la FEC, avec Yves Simon comme Secrétaire général adjoint. La Résolution générale attire l’attention « sur le chantage patronal à la récession dont la crise pétrolière et des matières premières n’a été qu’un prétexte. » Le Congrès « salue nos camarades des syndicats Portugais dans la lutte qu’ils viennent d’entreprendre pour recouvrir leurs droits à la liberté et demande à notre Fédération internationale de leur apporter son secours ». Il demande l’extension des conventions collectives « sur tout le territoire français y compris les départements et territoire d’outre-mer. Il exige la suppression de la Commission Interministérielle de Coordination des salaires. Il dénonce l’ingérence inadmissible du Ministère des Finances dans les négociations professionnelles […] Il condamne la régression du Pouvoir d’achat due à la référence systématique à l’indice manipulé des 295 postes ». Pour la Sécurité Sociale, il dénonce une politique qui « accentue encore le pillage du régime général en mettant à sa charge les déficits de plus en plus importants des autres régimes. »

1975 : Conflit au Parisien Libéré et refus du liberticide monopole d’embauche

Le 24 février 1975, la direction du Parisien Libéré annonce la suppression des 20 éditions régionales et départementales, sauf si elle obtenait un aménagement des annexes techniques de la convention collective et ce, d’un syndicat unique, la CGT, seule reconnue. Le refus conduit à la cessation de parution de l’édition nationale le 3 mai. De sorte que la Direction s’adresse à la Fédération du Livre FO, première initiative d’un patron de presse reconnaissant l’existence du Livre FO, depuis 1948, et non la seule CGT. Ceci révèle le monopole de la CGT, contraire à la Constitution (« tout homme peut défendre ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.») Un communiqué FO, du 23 mai, affirme que c’est « toute l’hégémonie autoritaire du Parti Communiste et de la CGT sur la Presse qui est remise en cause ». Les conditions du conflit sont telles que, le 11 juin, le Bureau Confédéral fait paraître un communiqué qui « demande instamment aux pouvoirs publics de ne pas faire intervenir les forces de police pour évacuer les ateliers occupés ». Il est précisé : « le fait d’appartenir à une Organisation syndicale ne saurait justifier le refus d’embauchage pas plus que le droit de s’arroger un monopole quelconque ». Un huissier était venu, préalablement, constater l’occupation de l’imprimerie de la rue d’Enghien. Ce qui met en cause la pratique de la CGT du monopole d’embauche. Une décision de justice d’expulsion des occupants de l’imprimerie sera notifiée le 12 juin. Un communiqué de la Confédération s’achève par les mots : « Avec la Fédération des employés et cadres : Non au fascisme - Pour la liberté ». La situation de monopole de la CGT est irrévocablement mise en cause, au terme du conflit du Parisien Libéré.

1976 : Délégation de la FEC contre Barre et le premier « plan d’austérité »

Le 9 décembre 1976, une délégation de la FEC est reçue par Cavaillé, secrétaire d’Etat à l’Equipement du premier gouvernement Barre, lequel ne fait pas mystère de son attachement au libéralisme économique. La délégation, conduite par Blondel, s’entend répondre que ses revendications, y compris salariales, sont irrecevables, car contraires au « plan Barre » et à son « austérité » à sens unique. La FEC avait commenté, dès le 22 septembre : « le gouvernement recommande la limitation des hausses de salaire à la seule variation de l’indice officiel, c’est là l’amorce de la politique des revenus. A part cela et malgré les thèses permanentes du Professeur « Barre », aucune taxe sur le capital pour le Ministre Barre. Une fois de plus on rend responsable de la situation l’évolution des salaires » (JEC du 28 septembre 1976).

1978 : 66 jours de grève dans les caisses

Du mercredi 15 au vendredi 17 février 1978, la FEC et son homologue de la CFTC appellent à la grève les techniciens des caisses primaires d’assurance maladie, des caisses régionales, des caisses d’allocations familiales et Unions de recouvrement des cotisations. La question des classifications est centrale, consécutivement au blocage de la négociation en Commission paritaire nationale. Il est à remarquer que la CGT, d’une part, et la CFDT, d’autre part lancent un appel séparé sur les mêmes mots d’ordre. Le mouvement est suivi et, à la caisse d’allocation familiale de la Région parisienne, au bout de 45 jours de grève, la FEC lance un appel à la solidarité financière. La grève va durer 66 jours, sans résultat décisif pour les grévistes, face à l’intransigeance à Paris, du CNPF ; les administrateurs FO, dont le président Brisson, envoyant leur démission au ministère de Tutelle et la rendant publique. Ce qui est en cause, c’est « la politique de ‘’personnalisation‘’ du salaire, déjà menée au niveau des cadres au détriment de l’égalité dans la fonction », selon les dires de Léon Trefelle (JEC du 10 mars 1978).
Par intervention auprès des services du Premier ministre, l’agrément des textes conventionnels est obtenu, touchant les employés, les agents de maîtrise ainsi que les techniciens, tels que l’intégration de la prime d’assiduité dans le salaire de base ou les congés payés (sans aller jusqu’à la 5e semaine revendiquée).

1982 : Bilan et opposition aux lois Auroux

Depuis mai 1981, une circulaire du JEC, en date du 3 juin 1982 rappelle le cadre : « qu’il s’agisse des salaires, des classifications, de la réduction de la durée du travail, etc. [....] la position de notre Fédération ne saurait prêter à interprétation. Elle entend poursuivre avec ses syndicats son action revendicative par le jeu de la libre négociation en privilégiant le contrat collectif (convention collective de branche). Concernant la réduction de la durée du travail, le constat suivant a été fait : valable pour l’ensemble de nos professions, la réduction d’une heure, voire d’un peu plus dans certaines branches d’activité, n’a pas eu l’impact souhaitable en matière d’emplois. Il convenait donc de rappeler que notre Fédération a, de tout temps, réclamé que toute réduction des horaires de travail soit suivie d’une embauche correspondante. Cette exigence dans cette période où le problème de l’emploi reste prioritaire, demeure plus que jamais d’actualité ». La Résolution est particulièrement claire contre le « projet de loi Auroux […] qui, au nom de l’expression directe des travailleurs, vise à la destruction du mouvement syndical » et condamne « les dispositions du projet Auroux qui vise à renégocier les salaires, entreprise par entreprise, dans le cadre d’une masse salariale fixée nationalement par “les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise”. Affirme que toute notion d’obligation est incompatible avec la libre négociation. Considère notamment qu’une obligation annuelle de négocier aboutit à vider la pratique conventionnelle de son véritable contenu ». Pour ce qui concerne la Sécurité Sociale, souligne que « quelle que soit la composition des conseils, le problème essentiel est de réduire le pouvoir discrétionnaire des ministères de tutelle qui prive les conseils de la plupart de leurs prérogatives ».

1983 : Contre « un plan de rigueur ou d’austérité » imposé par J. Delors

1983 voit se mettre en place, avec la dévaluation du franc initiée par Delors le 21 mars, ce que la FEC dénonce comme « un plan de rigueur ou d’austérité » ; soit par adoption, au Conseil des ministres du 25 mars 1983, d’un prélèvement de 1% sur le revenu imposable, d’un emprunt obligatoire remboursable, d’une diminution des dépenses économiques et sociales et la limitation des devises touristiques. Le prélèvement de 1% est d’autant plus problématique, qu’il est justifié par la nécessité de combler le déficit de la Sécurité Sociale, sans que la question des transferts et des charges indues du régime général ne soit posée. Comme l’écrit André Montagne : « une nouvelle fois, c’est une solidarité à sens unique qui va durement se ressentir sur le pouvoir d’achat de ces catégories qui, dans leur grande majorité, n’ont jamais spéculé contre le franc. A quand le changement de cette fiscalité inique qui frappe toujours les mêmes » (JEC du 7 avril - lequel comporte également, initiative de la FEC, une pétition à signer et à renvoyer, en solidarité avec les syndicalistes de Solidarnosc, au Comité Contre les Procès de Varsovie).

1985 : Pour le contrat collectif et non l’individualisation du contrat de travail

Lors du Conseil National de la FEC des 21 et 22 novembre 1985, la Résolution « condamne les projets de flexibilité, notamment l’actuel texte du Gouvernement sur l’aménagement du temps de travail, qui visent à remettre en cause le contrat collectif de travail au profit du contrat individuel de louage de services. Dénonce le rôle particulièrement nocif joué dans ce domaine par la CFDT et la CGC ; le matraquage scandaleux orchestré actuellement par les mass media (en particulier la radio et la télévision) visant à présenter ces projets réactionnaires comme des novations positives pour les salariés ».

1986 : La « compétitivité », rengaine du CNPF et des ultras du libéralisme

Lors d’un colloque début 1986, le numéro 2 du CNPF, Chotard déclare : « il faudra bien qu’un jour les partenaires sociaux se retrouvent autour d’une table pour tenter de maîtriser les nouvelles technologies. Cependant cette question ne devrait pas être étudiée séparément, mais en prenant en compte l’ensemble des autres problèmes concernant la compétitivité des entreprises ». Ce que la FEC commente : «à ce sujet, certains n’hésitent pas à comparer la Sécurité Sociale à Renault ou au Crédit du Nord. Qu'est-ce qui rapproche une fabrique d’automobiles, un organisme financier à but lucratif d’une caisse de Sécurité Sociale ? Rien, sinon la volonté politique de traiter l’Institution en entreprise compétitive, et donc concurrentielle ». (JEC du 5 mars 1986).

1989 : Non à l’Europe « océan de libéralisme » et pour « un droit social européen »

L’Echo des Employés et Cadres consacre ses numéros de l’année 1989 à l’Europe. Dans le numéro 83 (1er trimestre), Marc Blondel, commentant l’entrée en vigueur de l’Acte unique européen, le 1er janvier 1993, écrit : « dans l’état actuel des choses, force est de constater que la démarche retenue accentue le caractère économique et financier de l’intégration européenne et laisse de côté toute la construction sociale de l’Europe.
Le marché se présente dès lors sous l’aspect d’un océan de libéralisme pour les capitaux où la déréglementation le disputerait à la permissivité […] pour notre part nous ne pouvons accepter l’idée selon laquelle les salariés pourraient faire les frais de cette harmonisation […] le “social” ne peut pas être un simple sous-produit de l’économique […] Force Ouvrière est partisane de la mise en place d’un droit social européen assurant des garanties aux travailleurs, formule de loin préférable à la notion floue d’espace social européen
 ».
 


1990 – 2004
La FEC pour la défense de la Sécu,
du contrat de travail et des retraites

1990 : 47ème Congrès Fédéral
            Contre un contrat de travail « qui ramène un siècle en arrière »

Au terme de ce Congrès, qui se déroule à Reims, du 6 au 9 novembre 1990, la Résolution générale affirme : « lorsque l’économique prend le pas sur le politique, lorsque la crédibilité du monde politique tend à être remise en cause, lorsque le consensus prétend masquer les réalités, lorsque les inégalités et les exclusions tendant à se développer, la démocratie se trouve fragilisée […] La CGT-FO a toujours mis en avant la primauté du syndicat sur toute autre forme de représentation des travailleurs. C’est pourquoi le Congrès dénonce toutes les formules qui conduisent à l’intégration des syndicats à l’Etat, à l’entreprise ». Le Congrès condamne « la politique dite de ‘traitement social du chômage’, en particulier toutes les mesures contenues dans les différents plans emplois. A la légitime revendication du droit du travail pour tous, cette politique oppose ‘l’insertion sociale’ et ‘l’assistanat’ qui aboutissent de fait à exclure du champ d’application du code du travail, des conventions collectives et des statuts, une fraction grandissante de la classe ouvrière […] Ce retour à cette forme de contrat individuel de louage de services qui ramène un siècle en arrière reconstitue, en réalité, un sous-prolétariat ».

1990 : « La Sécu, elle est à nous, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! »

La Contribution Sociale Généralisée provoque des manifestations intersyndicales dans la France entière, car il s’agit en fait d’un impôt retenu à la source (article 1 du projet de loi) et d’une fiscalisation du financement de la protection sociale ; ce qui est aux antipodes du financement solidaire par les cotisations salariales et patronales. Le 16 octobre 1990, il y a 30 000 manifestants à Paris, 7 000 à Marseille et des milliers dans d’autres villes pour la défense de la Sécurité Sociale et l’opposition à la CSG. Avec un mot d’ordre clair : « la Sécu, elle est à nous, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! ».
Les militants en grève de la CPAM de l’Essonne sont en tête du défilé. Le 14 novembre, ce sont à nouveau des manifestations dans toute la France. Devant le Parlement, M. Rocard engage la responsabilité du gouvernement pour faire passer la CSG et annonce qu’il « traquera le gaspillage » et fera « économiser 10 milliards de francs à l’Assurance maladie en 1991 ». En clair, le « déficit » est bien un prétexte et la CSG est seulement une brèche délibérément ouverte dans le mode de financement de la protection sociale. Détruire cette dernière demeure l’objectif. La FEC condamne également le rapport Teulade sur les retraites (selon le rituel antidémocratique de la commande du pouvoir à un courtisan-expert d’un rapport préécrit) et Yves Simon écrit : « tout est donc en place pour que les salariés qui en ont les moyens souscrivent des engagements auprès des Compagnies d’assurances […] au risque de nous répéter, nous affirmons que sur ce dossier comme sur les précédents concernant l’assurance maladie, on nous trompe » (L'Echo des Employés et Cadres du 1er trimestre 1991).

1994 : Victoire contre le CIP

Le 16 janvier 1994, la FEC participe à la manifestation lancée par la CGT-FO « sur ses positions » : « Fonds publics à l’école publique, fonds privés à l’école privée/Abrogation des accords Lang-Cloupet/ Retrait de la modification de la loi Falloux ». Le 17 mars 1994, les mots d’ordre de la manifestation d’opposition à la politique gouvernementale sont : « Non au SMIC Jeunes » et « Non à la loi quinquennale ». Pour FO, le CIP « revient à instituer un livret de travail » (retour à 1803…) et à payer des jeunes, y compris diplômés, à 80 % du SMIC revenant « à diminuer les salaires pour soi-disant être compétitifs ».
Le titre de l’éditorial de Rose Boutaric est net : « Le CIP doit être abrogé ! »(JEC du 31 mars 1994). Les organisations syndicales régionales CFDT, CFTC, FO, CGT, FEN, FSU, UNEF, UNEF-ID se sont réunis, le lundi 14 mars 1994, en vue d'organiser la manifestation du 17 mars à Paris contre le SMIC-jeunes. Cette manifestation est un succès, en dépit de provocations policières (et de groupes apparentés), lesquelles ne cesseront pas durant tout le mouvement. Le 25 mars, les manifestations ont une ampleur nouvelle : 40 000 à Paris, 30 000 à Lyon, 15 000 à Toulouse, 12 000 à Lille, 10 000 à Grenoble et à Montpellier, 8 000 à Marseille, à Saint-Etienne, à Nantes, 5 000 à Nîmes et à Bordeaux. Le sommet du mouvement, le 31 mars, est celui de l’alliance du mouvement syndical et social et de la jeunesse. Le gouvernement Balladur est contraint à la reculade et annule le projet, bien qu’inscrit dans la loi.

1995 : Contre le plan Juppé, « grève générale interprofessionnelle »

Réuni le 6 novembre, le Bureau Fédéral mandate Rose Boutaric, pour le CCN du 13 novembre, afin de demander une grève générale interprofessionnelle « pour la défense de la Sécurité Sociale », car « la défense de la retraite par répartition […] passe par une opposition résolue aux fonds de pension, à la retraite par capitalisation, qui liquident la solidarité ouvrière ». Le CCN du 13 novembre « décide d’appeler les salariés à 24 heures de grève ». Apprenant que le CCN de FO a décidé, le 13 novembre, d’une grève générale interprofessionnelle pour le 28, Le Monde du 16 novembre, citant les interventions dubitatives ou opposées de Viannet, pour la CGT et Notat pour la CFDT, conclue au « cavalier seul de FO »… La première proposition du Plan Juppé, c’est un régime « universel », soit un régime a minima. La seconde grande mesure est, consécutivement, la mise en place d’une « épargne–retraite », soit de la capitalisation pour l’unique intérêt de groupes privés. La troisième mesure est la remise en cause des régimes dits « spéciaux » que les salariés (SNCF, EDF, Mines, Clercs de notaire…) se payent, sans léser personne, mais qui sont plus avantageux. Le Monde du 5 décembre titre : « Marc Blondel appelle à radicaliser l’action ». Le 12 décembre, le mouvement de grève dépasse largement les deux millions de manifestants avec 270 manifestations dans toute la France (la préfecture de police donnant le chiffre étrangement précis de 985 000, selon Le Monde du 13 décembre). Aussi, le 15 décembre, le gouvernement retire-t-il sa contre-réforme sur les retraites, la fonction publique et les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF). C’est une victoire historique à l’initiative de FO. Sinon que le budget de la Sécurité Sociale, serait dorénavant voté au Parlement, modifiant dans un sens non-démocratique le fonctionnement même de la Sécurité Sociale. Les 22 et 23 septembre 1995, à Limoges, la CGT-FO avait célébré le centenaire de la CGT libre et indépendante « qu’elle continue ».

2003 : Plan Fillon-CFDT des retraites pour les assurances privées

L’année 2003 est marquée par le mouvement social contre la loi Fillon du 21 août sur les retraites, laquelle comporte un Article 107 : « En complément des régimes de retraite obligatoires par répartition, toute personne a accès, à titre privé ou dans le cadre de son activité professionnelle, à un ou plusieurs produits d'épargne réservés à la retraite, dans des conditions de sécurité financière et d'égalité devant l'impôt », c'est-à-dire l’introduction d’un système par capitalisation, faisant droit, au prétexte de l’Europe, à une demande expresse des assurances privées. Les autres mesures sont l’alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé: les fonctionnaires passant progressivement de 37,5 années de cotisation à 40 ans en 2008 et la programmation de l'allongement de la durée de cotisation pour tous au-delà de 40 ans ; devant être portée à 41 ans (164 trimestres) en 2012. Dès le 1er février (500 000 manifestants), le 3 avril, puis les 13 mai, 25 mai, 3 juin, 10 juin et 19 juin sont autant d’échéances réussies, mais qui ne suffisent pas à faire sortir le gouvernement qui entend, face à l’intersyndicale CGT-FO/CGT/UNSA/FSU, se contenter de la collusion de la CFDT, puis du « sens des responsabilités » de la CGT […] Le texte « tous dans la rue » de la FEC dénonce : « le jeudi 15 mai 2003, la CFDT et la CFE-CGC ont donné leur accord sur le projet de loi Fillon qui détruit le droit à la retraite pour les salariés du privé à 60 ans. Ces deux Confédérations, qui après le plan JUPPE de 1995, apportent une fois encore, une aide précieuse à un gouvernement libéral » (JEC du 23 mai 2003). C’est bien un marché de dupes qui n’a été avalisé, en dépit d’un mouvement de manifestation et de grève culminant le 13 mai, passant par la trahison organisée de la CFDT.

2004 : Contre la BCE et son dumping social, et contre « l’enveloppe fermée » à la Sécu

Le 5 juin 2004, 200 000 manifestants s’opposent à la contre-réforme Douste-Blazy, laquelle revient à l'instauration d'une franchise d'un euro par ordonnance réduisant « de facto le taux de couverture et pénalise, en premier chef, les plus malades et les revenus les plus bas », à la mise en place du « médecin traitant » qui «ne vise qu'à permettre les dépassements d'honoraires systématiques des spécialistes » ; au développement des médicaments génériques comme « prétexte à généraliser la pratique du TFR (Tarif Forfaitaire de Responsabilité), c'est-à-dire le remboursement d'un médicament sur la base du prix du générique et non pas en fonction de son prix réel » ; enfin l’augmentation du taux de CSG pour les retraités « frappera davantage encore les retraités alors que le montant de leur retraite va baisser au cours des prochaines années, loi Fillon oblige » (JEC du 28 mai). La mobilisation continue durant tout le mois.
 


2005 – 2016
La FEC contre l'austérité de droite comme de gauche et pour l'émancipation humaine

2005 : 51ème Congrès Fédéral, pour le « non » à la politique de l’Union Européenne

Par sa Résolution générale de la FEC, le 51ème Congrès de la FEC, réuni du 31 mai au 3 juin 2005 à Pau, commentant le refus de libéralisme économique, par 55% des citoyens et citoyennes lors du référendum du 29 mai 2005, estime que : « par ce vote, les salariés rejettent la politique de déréglementation et de privatisation imposée par l’Union Européenne et appliquée depuis des années par tous les gouvernements successifs. Le Congrès note que ce vote met en évidence un net clivage de classes sociales. Ce sont les ouvriers (76%), les employés (67%), mais aussi les jeunes (56% des 18/24 ans) qui ont massivement voté “non”. Cela confirme la réalité de la lutte des classes. C’est dans ce cadre que se développe notre action syndicale. Cette politique de l’Union Européenne et des gouvernements aboutit, entre autres, à la baisse du pouvoir d’achat des salariés et à une augmentation dramatique du chômage. En disant non, les salariés manifestent leur volonté de mettre fin à une politique de délocalisation et de mise en concurrence des salariés au détriment de toutes les garanties collectives». A cet égard, le Congrès regrette que la CES et UNI Europa aient pris position en faveur de la ratification du Traité de constitution européenne, en dépit des réticences exprimées par de nombreux salariés et par les organisations qui les représentent, d’autant plus que ce Traité ne se réfère pas au « syndicalisme indépendant », mais à la terminologie corporatiste des « partenaires sociaux » qui prétend confondre salariés et employeurs.

2006 : Victoire contre le Contrat Première Embauche, Contrat Précarité Exclusion

Le CDI est cerné « de toutes parts par tous les CDD, intérim, CNE et autres CDD “seniors”. Déjà, plus de la moitié des offres d’emploi déposées à l’ANPE sont des contrats précaires, ce qui prouve que l’exception est devenue la règle. » (JEC du 21 janvier 2006). Dès le 7 février, la mobilisation se fait contre le Contrat Première Embauche : « Il serait illusoire de croire que le CPE débouchera sur un vrai CDI au bout de deux ans. Un jeune en CPE sera, au bout de deux ans, licencié et remplacé par un autre jeune en CPE pour les deux prochaines années » (JEC du 28 février). Tous contre le Contrat Précarité Exclusion…qui reçoit aussi l’appellation de « contrat précaire d’exploitation » ou « contrat poubelle embauche ». Il y a près de 500 000 personnes dans les rues de 187 villes, le 7 février. Pour la FEC, la journée du 7 février constitue « un premier coup de semonce encourageant pour l’avenir ». La FEC « apporte son soutien aux actions engagées par les étudiants et les lycéens et affirme que toutes les actions doivent rester syndicales » et s’engage pour la journée du 7 mars (JEC du 23 février). Le 7 mars, il y a plus d’un million de manifestants répartis dans plus de 160 cortèges dans toute la France. La CFDT a exclu toute participation au 16 mars, préférant défiler exclusivement le 18 mars et ne souhaitant pas, contrairement à FO, l’unité d’action avec les étudiants et lycéens et la constitution, ipso facto, du rapport de force susceptible de faire reculer le gouvernement. Le JEC du 14 mars précise : « plus de la moitié des universités françaises sont en grève, voire occupées, et plusieurs présidents d’université se sont adressés au Premier Ministre pour lui demander de suspendre l’application du CPE. La mobilisation s’amplifie également côté lycéens et les organisations lycéennes ont également appelé à manifester le 16 mars ». Le CCN de FO des 22 et 23 mars « appelle tous ses syndicats à se mobiliser pour assurer le succès de la grève interprofessionnelle et des manifestations du 28 mars ». A terme, « le retrait du CPE, annoncé formellement par le Premier ministre le 10 avril, constitue une indiscutable victoire de la mobilisation enclenchée deux mois auparavant » et la leçon qu’il faut tirer est bien : « il faut remonter jusqu'au combat contre le CIP de Balladur en 1994 pour trouver le dernier exemple d'une mobilisation sociale qui rassemble les salariés et la jeunesse. Réunis sur un mot d'ordre commun (le retrait du CPE) les organisations syndicales de salariés et les syndicats étudiants et lycéens ont d'emblée instauré un rapport de force devant le mépris dont faisait preuve le Premier ministre. » (JEC du 19 avril).

2010 : Pour les retraites par répartition avec un financement à 13% du PIB
            et contre l’escroquerie de la contre-réforme Woerth

Le 23 mars 2010, la CGT-FO appelle à manifester pour la défense des retraites par répartition, une nouvelle fois mises en cause par le gouvernement (quand bien même le dispositif Fillon ne prévoyait pas de « revoyure » avant 2012 !). Le Conseil National de la FEC des 5 et 6 mai 2010, dans sa Résolution, « s'oppose à toute nouvelle remise en cause du système de retraite par répartition visant à favoriser les fonds de pension au travers notamment: du report de l'âge légal de 60 ans, de l'allongement de la durée de cotisation, de la transformation du régime de base en systèmes individuels par points » et « tient à exprimer sa solidarité à tous les travailleurs confrontés à des plans d’austérité sans précédent imposés par le FMI et l’Union Européenne, et apporte en particulier son soutien aux travailleurs Grecs en lutte contre un plan d’austérité qui consiste à faire payer la facture de la crise à la classe ouvrière». Affirmant que l’extension de la précarité n’est pas due à la fatalité, mais est la résultante d’une politique ultralibérale [...] il dénonce les politiques patronales et gouvernementales en direction des femmes et des jeunes qui visent à faire du CDI l'exception et du CDD la règle. Enfin, il rappelle que chaque travailleur a droit à un vrai emploi et un vrai salaire. ». Il « appelle à la grève interprofessionnelle » le 15 juin. Le Conseil National se félicite de la position de la Confédération qui a refusé de poursuivre en 2010 « les journées d’action à répétition à l’origine de la démobilisation des salariés constatée en 2009. ». Le Conseil National demande « l’abrogation de la loi de 2008 » sur la « représentativité » des seules organisations syndicales de salariés, attentatoire à la liberté syndicale. Le 15 juin 2010, pour la journée de grève interprofessionnelle appelée par la seule CGT-FO, il y a 70 000 manifestants à Paris ; les autres organisations syndicales ayant opté, comme en 2009, pour des journées d’action successives, préfèrent défiler le 24 juin 2010. Lorsque le projet de loi est présenté devant le Parlement, le 7 septembre 2010, il y a près de 3 millions de manifestants, dans tout le pays. Le 23 septembre, la mobilisation est encore plus forte. Il y trois millions et demi de manifestants et des arrêts de travail plus nombreux, notamment dans le privé. Le mouvement s’élargissant aux lycées, le gouvernement fait usage de la réquisition contre les grévistes. Les manifestations du 28 octobre rassemblent près de deux millions de participants malgré les vacances scolaires, mais la CFDT se refuse à tout mouvement unitaire avec les lycéens et Chérèque, bien conscient du succès unitaire contre le CPE, en 2006, déclare (La Croix du 30 septembre 2010) : « Appeler les lycéens à manifester, ce serait l'arme du faible ». Alors que ce serait le rapport de force susceptible de l’emporter. En ces conditions la loi est votée, mais illégitime, car dérogeant « aux principes républicains » (FO Hebdo du 17 novembre).

2012 : Bricorama et la lutte permanente pour le repos le dimanche

Le 6 mars 2012, la FEC fait parvenir un courrier à la sénatrice Debré, à l’origine de l’amendement permettant au patronat de l’ameublement d’ouvrir le dimanche. Cette dernière, indifférente aux conditions de vie des salariés, s’était déclarée choquée que la FEC ait obtenu la condamnation de l’enseigne Bricorama qui entendait bénéficier, à sa façon, de l’amendement Debré. Il est dit à la sénatrice que « cette loi que nous combattons avait été conçue pour permettre aux entreprises qui dérogeaient au repos dominical de bénéficier d’un cadre légal ». La sénatrice osant prétendre qu’elle défend l’intérêt des salariés, il lui est demandé : « pourquoi, alors, avoir donné aux employeurs la possibilité de les obliger à travailler le dimanche sans majoration de salaire et sans repos compensateur, dans le secteur de l’ameublement ? » En janvier, à la demande de la FEC, et au nom du respect du repos dominical, l'enseigne de bricolage avait été condamnée à ne plus ouvrir le dimanche, sous peine d'une astreinte de 30 000 euros par établissement et par dimanche ouvert. Bricorama avait fait appel et maintenu ses ouvertures dominicales jusqu’à ce que, fin octobre, la Cour d'Appel de Versailles confirme le jugement de janvier, poussant cette entreprise à finalement accepter de fermer ses magasins le dimanche. « L'ordonnance de première instance était exécutoire », souligne Maître Lecourt. « Le groupe a bravé volontairement une injonction judiciaire ». La lutte, commencée le 23 mai 1869, continue…

2013 : Non à « l’austérité de gauche »

La FEC se joint à l’organisation d’un grand meeting militant à la Halle Freyssinet, le 24 janvier 2013. Et Serge Legagnoa peut écrire « nous, militants et adhérents FO sommes […] fiers de ne pas tomber dans l’acceptation d’une ‘’austérité de gauche’’ qui serait plus douce que celle de droite. Fiers de ne pas collaborer à la compétitivité sur le dos des travailleurs et d’eux seuls » (JEC n°52, février 2013).
C’est dire que le syndicalisme libre et indépendant ne peut que récuser un « dialogue social » où le rapport gouvernemental (du patron Gallois avec rang de « Commissaire Général à l’Investissement ») reprend l’idéologie et les propositions du MEDEF, tandis que les organisations syndicales sont sommées de se soumettre. L’opposition de FO au pacte de responsabilité et au CICE s’en trouve justifiée, dans le respect de la Charte d’Amiens.

2016 : Contre la loi ’’Travail’’

La Résolution du Conseil National de la FEC FO tenu les 17 et 18 mai 2016 condamne loi ’’Travail’’, qui détruit un acquis démocratique et social majeur, la hiérarchie des normes, mise en place par le Front Populaire, Jouhaux pour la CGT ainsi que Blum et Lebas pour le Parti Socialiste. L’inégalité devant la loi au sein de l’entreprise est imposée, à coup de 49-3 par un gouvernement minoritaire, aux ordres de la Commission de Bruxelles (système « two pack » mis en place en 2013) et des marchés, pour un retour aux relations sociales du 19ème siècle. La Résolution « soutient et encourage la mobilisation forte et continue des travailleurs et de la jeunesse contre le projet de loi ’’Travail’’ qui remet en cause les fondements des droits collectifs, notamment :
- inversion de la hiérarchie des normes, entrainant la suppression du principe de faveur ;
- destruction programmée des conventions collectives de branches par le transfert de pans entiers du droit du travail et de la négociation collective au niveau de l’entreprise ;
- remise en cause des missions de la branche et des droits collectifs ;
- destruction des droits individuels acquis ;
- mise en cause des majorations d’heures supplémentaires ;
- dérégulation du temps de travail ;
- facilitations des licenciements ;
- démantèlement de la médecine du travail…
- Ce projet s’inscrit dans la continuité et la logique des contre-réformes de la représentativité syndicale de 2008 et des lois Macron et Rebsamen visant à détruire le modèle social français […] Le Conseil National de la Fédération des Employés et Cadres FO appelle […] à amplifier […] partout des assemblées générales afin de débattre de la grève reconductible, et de la poursuite de l’action sur un seul mot d’ordre : le retrait de la loi
 ». La loi ’’Travail’’ est d’autant plus votée par deux recours à l’article 49.3, que le gouvernement se sait minoritaire et refuse le débat démocratique comme le dialogue social.
Contre cette loi de retour aux relations sociales du 19ème siècle et toute remise en cause du droit social, le combat de la FEC, initié il y a plus d’un siècle, pour l’émancipation humaine et le progrès social, continue plus que jamais.
 


Bibliographie et Sigles

Bibliographie

Planais, Horace : Historique de la Chambre syndicale des employés de la région parisienne, Imprimeries Réunies/Fédération du Livre, 1936.
da Silva, Gérard : Histoire de la Fédération des Employés et Cadres, 1893-2013, L’Harmattan, 2013.

Sigles

FNE : Fédération Nationale des Employés
FNSE : Fédération Nationale des Syndicats d’Employés
FEC : Fédération des Employés et Cadres
JEC : Journal des Employés et Cadres