La réforme de la formation professionnelle, au travers de la loi du 5 septembre 2018 dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », a acté la transformation des opérateurs paritaires collecteurs agréés (OPCA) en opérateurs de compétences (OPCO). Derrière ce changement terminologique, il s’agissait d’une opération d’étatisation dont les salariés prennent aujourd’hui conscience des conséquences.
Mais ce changement mettait également en danger la représentation des salariés, puisque l’autorisation d’absence des administrateurs dépend d’un arrêté qui concernait les OPCA. FO s’est investie afin que cet arrêté soit rapidement pris pour couvrir les OPCO, ce qui a nécessité l’introduction d’une action en justice, dont la décision vient d’être rendue, plus de trois ans après.
Le combat pour l’actualisation d’un arrêté
La loi de septembre 2018, en décidant le passage des OPCA aux OPCO, a profondément transformé le paysage de la formation professionnelle. Sur le plan juridique de ces opérateurs, cette loi a initié un mouvement de fusion et la création parfois de nouveaux opérateurs, sur le champ professionnel de plusieurs OPCA. Ce fut l’occasion pour l’Etat de s’immiscer dans l’organisation de la gestion paritaire, et de décider de la « cohérence » des champs professionnels.
Pendant que l’Etat s’octroyait de nouvelles prérogatives, il affaiblissait les administrateurs de la gestion paritaire. Notamment, il se refusait à actualiser l’arrêté listant les instances chargées de questions d’emploi et de formation professionnelle et ouvrant droit à une autorisation d’absence au bénéfice des salariés d’entreprise afin de participer aux instances statutaires.
FO s’est investie dans un combat pour la reconnaissance des administrateurs des OPCO (notamment) en réclamant l’actualisation de cet arrêté dès 2019. Nous avons obtenu des engagements écrits des représentants de l’Etat au sein des OPCO afin que cet arrêté soit pris à l’été 2020. Nous avons également produit une rédaction de l’arrêté afin d’actualiser l’arrêté au regard des bouleversements décidés par la puissance publique. En vain.
FO s’est par conséquent résolue à introduire une action en justice en avril 2021. Cette action en justice a produit son effet principal avant que la décision soit rendue puisque, par arrêté du 15 juin 2021 publié au Journal officiel du 19 juin 2021, l’arrêté tant attendu était signé et publié.
Nous nous félicitons de ce résultat, qui permet aux salariés qui souhaitent s’investir dans la gestion paritaire de pouvoir être mandatés sans risque à l’égard de leur employeur.
Une décision anecdotique
Si notre action atteignait son but en juin 2021, nous avons maintenu nos demandes à l’égard des services de l’Etat. La décision, rendue le 10 mai 2024, soit plus de trois ans après l’introduction de l’action, rejette nos demandes.
Cette décision n’est pas réellement une surprise. Le Tribunal administratif se refuse à considérer que l’absence de protection en raison de l’absence d’arrêté actualisé ait pu causer un préjudice. Le fait que notre Fédération ait préféré ne pas mettre en risque des salariés et ait préféré mandater des permanents fédéraux ne saurait selon elle démontrer un préjudice. Si notre fédération peut assumer un tel préjudice, nous persistons à considérer que notre rôle n’est pas de mettre en risque nos militants, salariés investis dans les entreprises, aux fins de pouvoir faire constater un préjudice. Nous considérons que l’absence d’arrêté était un obstacle pour l’engagement de salariés dans la gestion paritaire et donc pour la représentation des salariés, ce qui est par ailleurs un droit constitutionnellement reconnu.
Cette décision n’est pas sans intérêt puisque, pour pouvoir débouter notre organisation, le tribunal affirme que la modification des OPCA en OPCO constituait une « modification (…) purement terminologique » et, partant, qui n’était pas « susceptible d’avoir affecté un quelconque salarié ». Une telle conception, aussi étonnante qu’elle soit pour le pouvoir judiciaire, n’en demeure pas moins gravée. Il sera ainsi possible de s’en prévaloir lorsque l’Etat modifiera la dénomination d’un opérateur, auquel des droits seront attachés.
Forte du résultat acquis pour le paritarisme, notre Fédération a pris la décision de ne pas faire appel de cette décision. Elle demeurera engagée pour la défense de l’intérêt des salariés, la représentation la plus large possible des salariés, et la préservation du paritarisme.
Paris, le 24 mai 2024
PJ : Jugement TA PARIS 10 Mai 2024
Contact :
Nicolas FAINTRENIE, Secrétaire fédéral, nfaintrenie@fecfo.fr